mercredi 21 novembre 2018

A LA DECOUVERTE DE LA COLLECTION DE SCULPTURES DU DOMAINE DE COUBERTIN A SAINT REMY LES CHEVREUSE.

 On peut visiter le domaine de Coubertin individuellement uniquement en période d'expositions (sans conférence), ou alors constituer un groupe d'une quinzaine de personnes ce qui permet de bénéficier d'une visite-conférence. C'est ce que le groupe des "Visiteurs du Hurepoix", à qui je fais connaître la région depuis 9 ans, a réussi à faire ce jour là.

                             LE DOMAINE DE COUBERTIN.

   Le château de COUBERTIN a appartenu pendant 400 ans à la famille des Fredy de Coubertin , anoblie par Louis XI . Depuis 1974, date de la mort d'Yvonne de Coubertin (nièce de Pierre de Coubertin, l'initiateur des Jeux Olympiques modernes) , le domaine est géré par la Fondation de Coubertin. Elle avait  été créée l'année précédente par sa dernière propriétaire, soucieuse de la préservation de ce beau patrimoine, et par  Jean Bernard , fondateur de l'Association ouvrière des Compagnons du Devoir du Tour de France. Tous deux ,qui s'étaient rencontrés en 1949, étaient préoccupés par la question de la valorisation du travail manuel.



Au fond d'un jardin à la française, la façade d'un château du XVIIe siècle.

      Ce domaine de 80 hectares , sous la houlette de la Fondation, a une double fonction: c'est d'une part un musée , un lieu de conservation , notamment des sculptures de Joseph Bernard  ( 1866-1931) , le père de Jean  , et de contemporains de cet artiste (de nombreuses œuvres de Bourdelle, élève de Rodin y sont par exemple visibles) ; des expositions de sculptures temporaires y ont lieu de plus chaque année.


   Deux œuvres très animées de Joseph Bernard (Jardin des bronzes): l'athlète et le faune dansant.

Mais c'est aussi , un lieu vivant , tourné vers l'avenir: une sorte d'"université ouvrière", où chaque année trente jeunes "compagnons" issus de métiers manuels reçoivent une formation  complémentaire professionnelle, intellectuelle et culturelle , et s'y imprègnent de solides valeurs. Situés au fond du parc , les ateliers Saint-Jacques spécialisés en métallerie, menuiserie et taille de pierre , et la fonderie de Coubertin (chaudronnerie, fonte d'art) constituent le dispositif du volet professionnel. C'est ici par exemple qu'a été reconstituée la grille royale du château de Versailles telle qu'elle était avant 1771.

A LA DECOUVERTE DU DOMAINE…

Après avoir quitté le chemin de Coubertin, qui longe le domaine, on parvient dans la superbe allée d'honneur du château, encadrée de hauts arbres, où l'on peut garer sa voiture. En s'approchant, on aperçoit ,au fond de la perspective, la façade du château du XVIIe siècle encadrée par la végétation. Sur la gauche, au delà des arbres les magnifiques bâtiments et l'imposant colombier de l'ancienne ferme du domaine (un ensemble qui date en partie du XVIe s) attirent le regard. Aux abords de l'entrée, nous nous retrouvons autour de la conférencière  dans un rayon de soleil bienfaisant (il allait faire bien plus froid dans le jardin des bronzes ensuite, en grande partie à l'ombre).

(Cliquer sur les photos pour les agrandir)


Une superbe allée d'honneur…

Sur la gauche, au delà des arbres, la belle ferme du domaine.

Au fond de la perspective, le château dans sa parure d'automne…

Le groupe se retrouve autour de la conférencière dans un rayon de soleil bienfaisant.
(Photo: Louis-Ernest Pancrate)

A droite de l'entrée du château, on aperçoit déjà un beau groupe sculpté, le MONUMENT A MICHEL SERVET de Joseph Bernard  (1908/1911). 

Détail de la figure centrale.

DANS LE JARDIN DES BRONZES:

Nous nous rendons alors dans  le jardin des bronzes, un espace spécialement conçu par l'architecte Robert Auzelle en 1979  pour y exposer les œuvres de Joseph Bernard , et d'autres sculpteurs de la fin du XIXe et du XXe siècle. Il se présente comme une succession de terrasses traversées par un axe central: celui- ci est constitué d'un canal, de fontaines et de bassins. Commence alors la visite conférence prévue qui se proposait de retracer  l'évolution de  l'art de la sculpture pendant cette période.

Après une présentation générale du domaine et de la fondation, la conférencière attire notre attention sur certaines caractéristiques de la frise de la danse de Joseph Bernard.

Le genre de la frise vient de l'antiquité, et celle-ci s'inspire des cortèges dyonisiaques, thème de la mythologie grecque ( musiciens aux extrémités, danseuses au centre). Ce travail semble dans le droit fil de la sculpture classique, mais il n'en est rien.

D'abord le sculpteur s'inspire plutôt de l'art grec archaïque qui stylise les formes , ou encore les plis du vêtement; cette reprise d'une forme de stylisation est un élément novateur à l'époque. 

                                                  Photo : Claude Poirson.
De plus , en y regardant de près, on peut aussi observer que les personnages centraux dansent la valse, danse moderne; ainsi est signifiée l'intemporalité de la danse. Cette œuvre devait servir de fond de scène à un théâtre privé dans un hôtel particulier de Neuilly.

Cet athlète se désaltérant (l'outre qu'il est censé tenir manque) de Joseph Bernard semble ressortir de la sculpture académique ,qui reste inspirée par l'antiquité ( reprise de la tradition du nu); mais les mains et les bras ont un aspect inachevé; ils rendent compte du travail de modelage du sculpteur, on y repère même les traces de ses doigts; l'artiste a considéré que son œuvre était aboutie telle quelle. Ceci est un élément de modernité, de même que la bouche ouverte du personnage, incompatible avec l'idéal antique.

Le faune dansant, en bronze creux, de Joseph Bernard toujours (1912), emprunte encore à l'antiquité : c'est un thème de la danse dyonisiaque , et l'artiste reprend la tradition du nu antique. Notons que la sculpture est contemporaine de l'Après midi d'un faune, dansé par Nijinsky, qui a marqué l'époque.

Et par exemple le sourire avec les lèvres entrouvertes du personnage contredit l'idéal classique  ,et est donc un signe de modernité. 
Ces deux œuvres traduisent enfin une réflexion de l'artiste sur le sujet de la "sculpture vivante".

Le grand guerrier sans jambes d'Antoine Bourdelle (1861-1929), en bronze creux, est un détail agrandi d'un monument aux morts commandé à l'artiste par la ville de Montauban après la guerre de 70."Praticien" de Rodin (il exécutait les œuvres du maître), il est influencé par lui. L'œuvre frappe par ses proportions bizarres, le bras et la main gauche surdimensionnés, la bouche ouverte qui suggère le cri. Elle a été mal accueillie en raison de son style peu académique, et parce qu'elle n'exaltait pas le patriotisme mais soulignait l'horreur de la guerre. Plus que la ressemblance au réel, l'artiste privilégie l'expressivité , par ce bras tendu surdimensionné qui exprime un rejet total de l'horreur de la guerre.

Gros plan sur le visage avec la bouche ouverte.

La grâce de cette scène représentant une mère dansant avec son enfant, œuvre de Joseph Bernard, contraste avec la rudesse de l'œuvre de Bourdelle.

                                                          (Photo:Louis-Ernest Pancrate)

Avec sa "Rolande" , Robert Vlérick (1943) semble avoir au contraire ignoré le travail des avant-gardes. Il reste dans la tradition classique.On peut dire que c'est un héritier de Jean Goujon.
Il reprend le nu, et le déhanchement antique lié à la position des jambes (contraposto) destiné à suggérer la vie. La sculpture a été réalisée à la fonderie de Coubertin.

Sur le socle figure la marque du fondeur (les ateliers St Jacques  à Coubertin): une coquille St Jacques; on y trouve aussi la signature de l'artiste, et un numéro qui indique de quel exemplaire il s'agit ( une œuvre peut être reproduite en 12 exemplaires seulement).

De Robert Vlérick toujours, cette sculpture de 1930/1931 appelée "Méditation" a une apparence naturaliste. En réalité, la posture choisie est difficile à tenir dans le réel. De plus,l'épiderme un peu altéré, le pli au ventre, la présence d'un vide -sous le bras- l'éloignent de l'idéal classique. L'artiste s'est en fait efforcé de développer une forme esthétique dans l'espace : "Elle est belle, elle ne signifie rien" disait Mayol. Il ne s'intéresse pas au sens.

Un regard au passage pour la Porteuse d'eau, de Joseph Bernard (1910) - L'original est au musée d'Orsay.


Depuis l'escalier qui couronne le jardin des bronzes , on  a une vue sur l'ensemble du site.

Cette œuvre de Pablo Gargallo (1933) opère la jonction entre figuratif et abstraction. Ce proche de Picasso crée du vide ou du creux là où on attendait du plein (tête, ventre, cuisse…)  joue avec la matière, associe à la figure principale (cheval) des éléments aberrants… La modernité s'accentue.

SUITE DE LA VISITE:

Nous quittons le jardin des bronzes pour gagner une autre partie de la propriété, où d'autres sculptures sont exposées. 

On découvre ici la façade du château donnant sur le parc…

Et l'on peut admirer le cèdre majestueux qui la flanque.


A l'approche de la ferme du château, nous remarquons ce superbe relief de 1924 représentant Aphrodite ou la naissance de la Beauté, œuvre de Bourdelle.

La conférence se poursuit à proximité de l'ancienne orangerie avec la découverte de ce guerrier africain d'Osman Saw, récemment décédé. Le corps est en bronze coloré et différents accessoires (lance, pagne …) sont dans des matériaux différents. outre cette nouveauté, remarquons qu'il s'éloigne du naturalisme classique par sa taille  et par son attitude exagérée: ce qui intéresse l'artiste une fois encore n'est pas d'imiter le réel mais l'expressivité de l'œuvre.

Tiens, un petit retour au Moyen Age avec cette gargouille.

Et l'on termine par cette "Grande spirale rouge" en polyester de Martha Pan (1961) qui nous fait découvrir une forme abstraite. On ne s'embarrasse plus ici du réel. Autre nouveauté: la sculpture est mobile, si on la pousse du pied, elle tourne; ce n'est plus le visiteur qui tourne autour de l'œuvre, c'est l'œuvre elle-même qui tourne. C'est de l'art cinétique ou art mobile. L'artiste de plus conçoit l'œuvre, mais la fait réaliser par un atelier, elle ne la sculpte pas elle-même.

Fin de la conférence.
Grand merci à notre conférencière,  Nathalie Pineau Farge.

Petit retour vers le château , dont l'intérieur est vide ou occupé par des ateliers, pour le règlement de la visite.

    Devant le château et le cheval géant de Bourdelle … l'endroit est propice pour une belle  photo de groupe!
Dans la pièce centrale du château, quelques sculptures encore comme ce délicieux couple.



A l'avant du château, dans le parc à la française, L'Ephèbe de la barque solaire, du sculpteur Karel, date de 1993.

UN COUP D'OEIL A L'ANCIENNE FERME DU CHATEAU:


Elle est aujourd'hui consacrée à la Fondation et à l'accueil des étudiants.




Un majestueux colombier.




Vue d'ensemble de l'ancienne ferme.


L'orangerie.


Un petit singe en pierre plein de vie...






                                  L'ancien logis d'habitation de la ferme (maison du régisseur).





Un joli puits.



Dernier regard sur la ferme en partant:

                                                  Photo: Claude Poirson.
Vue extérieure de l'ancienne ferme, aux abords de laquelle broute une vache…

                                                      Photo: Louis-Ernest Pancrate.
C'est sans doute une vache de la ferme moderne dite de Coubertin, située juste derrière le domaine, dont les produits sont très prisés des gens de la région.

* A VOIR AUSSI: 
A LA DECOUVERTE DU DOMAINE DE COUBERTIN (visite libre):
https://jmsvalleedechevreuse.blogspot.com/2014/06/le-chateau-de-coubertin-saint-remy-les.html

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